Une approche entièrement renouvelée

Le mouvement imposé par la houle endommage en fatigue les chaînes d’ancrages et les conduites de transport des installations en mer. Le déploiement et la maintenance de capteurs sur ces systèmes est une gageure : les points chaud de vieillissement sont parfois situés à plusieurs kilomètres de profondeur ! Ainsi, les seules informations traditionnellement disponibles en appui des études de conception ou des arbitrages d’extension de durée de vie sont des relevés des conditions de mer de la région environnante. Cependant, les étapes nécessaires pour relier ces données très génériques au système étudié reposent sur des hypothèses simplificatrices fortes et des modèles heuristiques.

Notre méthode utilise quant à elle la mesure du mouvement de l’installation par des accéléromètres. Ce choix stratégique permet de s’approcher au plus près de la zone d’intérêt, tout en gardant un accès au capteur les pieds au sec. Une phase d’apprentissage hors ligne en deux étapes est nécessaire pour adapter notre système de surveillance à chaque installation.

Apprentissage hors ligne

Tout d’abord, il faut calibrer une séquence d’algorithmes de traitement du signal et de réduction de dimension par apprentissage pour encoder des épisodes de mouvement de 3 heures (soit 6 séries temporelles dépendantes et structurées, une par degré de liberté) par un nombre restreint de paramètres. Cette représentation concise condense toute l’information portée par les signaux de mouvement utile pour le diagnostic de l’endommagement. Le maillon terminal de la chaîne est un algorithme d’apprentissage supervisé : il utilise des simulations numériques (voir l’encart ci-dessous), et permet le passage crucial de quelques dizaines de prédicteurs à seulement 2 à 5 en général.

La seconde étape consiste à construire un modèle réduit à partir du modèle physique par élément finis. En effet, le coût en temps de calcul des simulations de ce dernier est incompatible avec un traitement statistique et le suivi en temps et réel.

Diagnostic en temps réel

La combinaison de la représentation concise et du modèle réduit permet d’analyser en continu le flux d’information issu des accéléromètres et de prédire l’endommagement résultant. Un modèle probabiliste de la distribution statistique des mouvements, ainsi que des différentes sources d’erreurs d’approximations, permet par ailleurs de produire des prévisions de l’évolution à moyen et long terme de la durée de vie, assorties d’intervalles de confiance.

 

Est-ce du deep learning ?

Non. Les réseaux de neurones profonds ont récemment produit des résultats très spectaculaires là ou d’autres classes d’approximation de fonctions échouent totalement. Notamment, ils permettent d’encoder des structures cachées d’espaces de données « exotiques » du point de vue de la formalisation mathématique purement déductive. Les applications en reconnaissance d’images ou de la parole, ou encore aux jeux de stratégie sont particulièrement parlantes à cet égard.

La problématique traitée ici est différent dans le sens où l’essentiel des phénomènes physiques à l’œuvre sont connus et peuvent être mis en équations. Nous tirons parti de ces connaissances pour garantir une plus grande stabilité et de meilleures propriétés de généralisation (l’un des points faibles des réseaux de neurones) à notre intelligence artificielle de diagnostic.

L’autre raison pratique ayant motivé le développement d’une méthode ad hoc est le nombre limité de simulation physiques réalisables (quelques centaines ou milliers). L’apprentissage de réseaux de neurones requiert des échantillons bien plus grands.

Quoique les méthodes mathématiques employées soient issus de domaines différents, on peut néanmoins tracer un parallèle entre notre démarche et les réseaux de neurones. En effet, la construction de la représentation concise consiste à chercher des invariants à différentes échelles pour encoder les données de façon parcimonieuse. L’état actuel des connaissances mathématiques suggère que c’est ainsi que fonctionne implicitement les réseaux de neurones profond, et l’une des raisons principales de leur succès (Mallat 2016, « Understanding deep convolutional networks »). Enfin, l’approximation du modèle physique d’endommagement s’apparente à un modèle de régression sophistiqué, autre trait commun à certain réseaux de neurones.

 

10 ans de R&D en partenariat

L’un des piliers de notre approche est d’articuler l’analyse de données avec l’expertise métier et la simulation physique avancée. Notre méthode est l’un des aboutissements récents d’un partenariat scientifique et commercial avec PRINCIPIA qui dure depuis plus de 10 ans.

En particulier, la réponse de la chaîne d’amarre ou de la conduite au mouvement d’ensemble, ainsi que l’endommagement résultant, sont simulés avec DEEPLINES, un logiciel de calcul par éléments finis spécialement conçus pour représenter ces systèmes.

Quoique nous poursuivions encore avec ardeur les développements et la recherche pour perfectionner nos algorithmes, notre système de surveillance est à présent mature. Une part importante de nos efforts est à présent dévolue au déploiement industriel auprès de nos clients, notamment Total, Imodco et Subsea7.